Pourquoi je n'aurai jamais d'enfant...
Comme Alexandra, il y a aussi eu cet enfant que je n’ai pas eu…
J’avais 19 ans, c’était mon premier amour. Quand nos regards se sont croisés au restaurant universitaire j’ai su (ou plutôt cru !) que c’était lui, « love at first sight »… Il était immense (1m93), un beau brun ténébreux. On s’est cherché pendant quelques semaines et puis un jour on s’est retrouvé par hasard dans la même soirée. Je me souviens encore du slow sur lequel il m’a embrassé, c’était « wonderful life ».
Je suis instantanément tombée amoureuse de lui, et la midinette que j’étais s’imaginait mariée, avec des enfants et HEUREUSE jusqu’à ce que la mort nous sépare… J’avais 19 ans, lui 20.
On était vraiment heureux tous les deux, sur tous les plans. Je ne prenais pas la pilule à l’époque, ma mère n’avait jamais cru bon de m’emmener voir un gynécologue. Oui je sais à 19 ans j’aurais pu faire la démarche moi-même, mais j’étais vraiment naïve pour mon âge et puis je n’avais pas beaucoup de relations sexuelles et le préservatif me convenait très bien… Et puis il y a eu ce vendredi après midi du mois juin, je préparais mes affaires pour rentrer passer le week-end chez mes parents. Il est passé à l’improviste… Je n’avais pas beaucoup de temps ; j’avais le train à prendre. Et pour UNE fois on n’a pas utilisé de préservatif, la seule fois…
Ca ne m’a pas du tout inquiétée sur le moment, et puis je ne sais pas pourquoi, dans le train qui me ramenait chez mes parents, j’ai su que j’étais enceinte, un bref moment je l’ai senti… Et puis j’ai rejeté l’idée, ce n’était pas envisageable, cette idée s’est imposée et est aussi vite ressortie de mon esprit.
Début juillet je suis partie en vacances en Ardèche comme tous les ans avec mes parents ; j’ai eu un retard de règles bien sûr, et les signes de la grossesse sont apparus immédiatement, notamment des vomissements soudains et fréquents. Cela n’a pas échappé à ma mère qui s’est mise dans une colère monstre et c’est dans ces conditions qu’a eu lieu ma première visite chez le gynéco qui a confirmé la grossesse.
L’horreur a commencé. Tout s’est enchainé, je n’ai pas eu le choix. J’étais sous la coupe de ma mère qui a tout pris en main. Elle ne m’a jamais posé la question si je souhaitais garder cet enfant, et j’étais tellement terrorisée que je ne me la suis même pas posée moi-même…
Les rdv « légaux » se sont enchainés à une vitesse folle, il faisait atrocement chaud cet été la. Je me souviendrai toujours avoir eu en main l’échographie de mon bébé, je me souviens être dans la rue la photo dans les mains, mes larmes coulaient…
Ma mère a très mal pris la chose et a arrêté de me parler. Nous étions, soit disant, les deux seules au courant. Quand je me retrouvais seule avec elle, elle me traitait comme une trainée, et quand on était avec une tierce personne elle redevenait normale.
La veille de l’intervention, j’étais paniquée et perdue. J’avais peur et en plus j’avais perdu l’amour de ma maman. Elle a exigé que j’aille en personne annoncer la chose à mon père.
Je vais donc le voir à son retour du travail, il était dans le jardin et lui dis : « papa il faut que je te parle, c’est important », j’ai vu dans son regard qu’il était au courant, bien entendu, mais il m’a répondu, en tournant la tête, « je suis occupé, on verra plus tard ». Je suis retournée le voir un peu plus tard et j’ai obtenu la même réponse… Il m’a évité toute la soirée. Après le repas ma mère était dans la cuisine, je suis allée le voir dans le salon, et je lui ai dit : « voila tu ne veux pas l’entendre, mais je te le dis, je suis enceinte et je vais me faire avorter demain ». Il a détourné le regard de la télé et m’a répondu le regard froid: « qu’est ce que tu veux que je te dise, que je te félicite peut-être ? »
Je lui ai dis que je n’attendais rien de lui ni de ma mère d’ailleurs, et je suis allée m’effondrer dans ma chambre, désespérée d’avoir perdu l’amour de mes deux parents.
Le jour de l’intervention a été un des pires jours de ma vie. Ma mère m’a accompagnée à la clinique tôt le matin, sans un mot. Dans la chambre, il y avait une autre fille ; à peine arrivée j’ai eu droit au premier mot de ma mère « regarde moi celle là elle est encore plus jeune que toi ». Je n’ai rien répondu. A 11h30, on n’avait toujours vu personne, ma mère à interpellé une infirmière qui lui a rétorqué sèchement, que ce genre d’intervention n’était pas la priorité du médecin en nous jetant un regard de dédain.
Ma compagne de chambre est passée avant moi. On s’est croisé dans les couloirs sur le brancard… J’ai l’image d’une poubelle pleine de sang au pied des étriers. Vision d’horreur… Mon bébé allait finir dans cette poubelle…
1,2,3 je m’endors…
Je me réveille dans ma chambre en pleurs, ma mère est descendue dans le hall et je déverse mon histoire à ma compagne de chambre puis me rendors.
Ma mère me ramène à la maison, toujours sans un mot si ce n’est : « tache de te reposer maintenant ».
Les jours suivants on m’envoie à la mer avec ma grand-mère et ma sœur. Et là c’est la cata… Je fais crises de nerfs sur crises de nerfs, je me mets à hurler sans raisons, elles ne sont pas au courant et prennent peur… Ma grand-mère appelle ma mère en catastrophe, lui disant qu’elle me renvoie par le prochain train que je suis devenue folle.
Mon père vient me chercher à la gare, il me dit : « excuse nous, je t’en prie excuse nous ». Il est bouleversé. Je ne me souviens plus de ma réponse, probablement un « pas grave » et il me ramène à la maison.
Ma mère ne m’a rien dit, elle est seulement redevenue normale et aimante et le sujet n’a plus jamais été abordé…
J’ai fait des cauchemars pendant des mois, je revoyais notamment cette poubelle pleine de sang, mais je n’en ai jamais reparlé à personne jusqu’à récemment avec mon psy, mais c’est tout…
Voilà, voilà pourquoi je n'aurai jamais d’enfant…